jeudi 13 juillet 2023



 







« TENTATIONS »

 

Peintures et gravures inspirées de 

La Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert

 

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FABRICE BEGHIN

 

Exposition à la Halle aux Grains de Saint-Junien (87)

du 8 juillet au 9 septembre 2023







  

 

 

 

 

NOTE D’INTENTION

 

 


SAINT ANTOINE

 


Le saint Antoine historique


Claudine Gothot-Mersch, spécialiste de Gustave Flaubert, écrit dans la préface de La Tentation de saint Antoine : « Le saint Antoine historique vécut en Égypte, dans le désert, à la charnière des IIIème et IVème siècles. Alexandrie était alors une sorte de creuset religieux, où se mélangeaient les anciens cultes païens et les diverses tendances de la chrétienté naissante ; Antoine y fut mêlé aux conflits théologiques qui opposaient les chrétiens orthodoxes et les Ariens… ».

 

 

La Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert


Plusieurs ouvrages de Gustave Flaubert, dès 1837, sont préoccupés de l’Enfer et de la confrontation avec le Diable (Voyage en Enfer, Rêve d’Enfer, Smarh).

 

Lors d’un voyage à Gênes en 1845, Flaubert voit le tableau de Bruegel La Tentation de saint Antoine et envisage alors l’écriture d’un texte théâtral sur le sujet.

 

L’œuvre, fortement inspirée par ses lectures sur les débuts du Christianisme, est conçue en trois étapes (1849, 1856 et la version définitive en 1874). « C’est l’œuvre de toute ma vie » dira l’écrivain.

 

Au début de la pièce, Flaubert décrit le monde désertique dans lequel évolue l’ermite. Antoine est en proie aux doutes. Un long monologue désespéré précède les premières hallucinations. Celles-ci se succèderont pendant toute la durée du livre. De chaque voyage intérieur naissent (dans différents décors) de nombreux interlocuteurs parmi lesquels des prophètes, des hérétiques, des personnages légendaires mais également le diable, sous toutes ses formes…




 

PEINTRE D’HISTOIRES

 

Par quels cheminements un peintre du motif entreprend-il de produire des histoires ?

 

Au milieu des années 90, j’étais presque exclusivement occupé par la représentation de paysages urbains, démarche entrecoupée de quelques parenthèses consacrées à la littérature (1995 – La  grande peste, extraite des Géorgiques de Virgile ; 1997 - Nord, d’après le roman de Céline). 

 

En 1998, le besoin d’une coupure vis à vis du motif se fit sentir pour moi. Une porte d’entrée vers la peinture d’histoires s’est ainsi ouverte avec l’ouvrage d’Homère, l’Iliade.

Ce premier accès -à plein temps- vers des textes mis en images, s’est fait durant une année, exclusivement consacrée à cet univers violent et masculin.

Ma soif de raconter des histoires en peinture n’était cependant pas étanchée par ce sujet. Elle souhaitait bifurquer vers un récit plus ouvert sur le désir et où l’accès à la spiritualité aurait un rapport plus étroit avec ma propre culture.

 

Mon choix s’est alors porté sur La Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert découvert au hasard de mes déplacements en bibliothèque.

 

 



LA MÉTHODE

 

Comme beaucoup de peintres, j’ai pu souvent dire « Je n’ai aucune imagination ! ». Et je suis sincère en voulant parler ainsi de mon incapacité à produire un dessin sans observer la nature.

 

Pour m’adapter, il m’a fallu trouver une méthode d’observation de mon sujet, une autre façon de traiter « le motif » à partir de mon livre ouvert. 

 

Le travail s’est fait en trois étapes :

 

1. Les premiers dessins, aller-retour entre les mots du récit et les lignes colorées posées sur le papier. Il s’agissait d’une lecture illustrée permettant un découpage du récit et également une sélection des scènes retravaillées ensuite.

 

2.  Les gouaches ou pastels, prise de distance par rapport au livre. Elles ont entamé d’autres réflexions sur les techniques ou le format adaptés au sujet. 

 

3.  Les peintures ou les gravures, aboutissement du travail.  

 

 

 

 

LES PEINTURES ET LES GRAVURES

 

Les peintures à l’huile et les plus grandes gravures sont l’aboutissement de la méthode décrite plus haut. 

 

Tout le contenu de ces œuvres (format, composition, compréhension du sujet…) a été la conséquence directe des recherches déjà mentionnées. En même temps, elles restent ouvertes aux inventions propres à la peinture ou aux enjeux techniques de la gravure. 

 

Ainsi, le récit s’est incarné dans un temps d’exécution plus long. Notre monde quotidien a eu le temps de se substituer à celui de Flaubert. Les personnages du récit, le décor prennent la forme d’hommes et de femmes d’aujourd’hui représentés dans un univers contemporain.

 

La ferveur reste présente cependant.

 

La pièce fait défiler des personnages parfois solitaires, parfois en foule, tous animés par une grande inspiration religieuse. Les situations représentées sont inspirées, violentes ou totalement grotesques. 

 

Une impression d’excès se dégage de l’ensemble de ces représentations et par bonheur l’humour, souvent présent dans le récit de Flaubert, nous donne la distance nécessaire pour les observer.

 

Comment ne pas voir dans la croyance exaltée des personnages en leur héros ou dans leur volonté d’une représentation idéale du monde, un sentiment universel d’humanité un peu caricaturée dans son émouvante quête de sens ?











LES DIEUX DU MARIAGE




 

Les dieux du mariage,   2000,  130x162cm,   huile sur toile




Dans ce passage, le cadre posé est celui d’une chambre. Le sujet propose l’idée de la vie domestique : l’hypothèse d’un mariage et de ses rituels païens. Le mariage n’a pas eu lieu et le lecteur oscille entre la présence réelle de Naemia, une vieille femme centenaire, et le récit d’une noce qui pourrait avoir eu lieu.

Apparaissent les Lares domestiques (ils étaient dans l’antiquité les petites divinités attachées aux objets du quotidien). Dans le récit de Flaubert, nous les voyons se plaindre de leur popularité déchue. Il est peut-être sous-entendu qu’une nouvelle foi a pris la place de ces vieilles croyances.

Les premiers dessins et les premières peintures que j’ai exécutées décrivaient la scène d’une manière fidèle au texte. Les soins appliqués à la mariée (description du récit) étaient peints ou dessinés  avec le corps d’une femme réelle manipulée ou stimulée selon l’érotisme contenu par les mots de Flaubert. Cependant, cette approche m’empêchait d’embrasser la suite du récit (l’apparition de Naemia  puis des Lares domestiques). 

Afin d’élargir ma capacité à contenir l’ensemble du passage, j’ai laissé le lit porter en lui toute la « chair » contenue dans le début du récit afin qu’y puissent circuler les acteurs impliqués dans toute la scène (dieux du mariage, Naemia et Lares domestique).






      Naemia,   2000,   17x21cm            Ossipago, Barbatus...,   2000




Les dieux du mariage,   2000,   29x33cm,   gravure






Naemia,   00 08 02,   50x65cm,   gouache





La préparation de l'épousée,   2000,   98x130cm,   huile sur toile
Première version des dieux du mariage

 





LES PATRICIENNES
SUR LES TOMBES 



Les patriciennes sur les tombes,  2000,  130x165cms, huile sur toile



Les Patriciens ou les Patriciennes dans la Rome antique sont les bourgeois, ceux qui s’élèvent hiérarchiquement au dessus de la Plèbe. On sait que les femmes de cette société ont beaucoup contribué à la diffusion du christianisme.

Ce tableau est un des premiers que j’ai réalisé de manière aboutie.

Il décrit un rassemblement religieux et festif fait à la mémoire des martyres chrétiens. Les dialogues témoignent de la vie que mènent ces femmes. Il raconte la façon dont leur engagement chrétien impacte leur couple ou leur relation avec la religion païenne qu’elles rejettent.

Les reliques, le sang sont les outils indispensables à l’organisation de ce rituel qui finit par basculer ici dans des débordements érotiques.

Le décor décrit par Flaubert est celui d’un cimetière abandonné. Mon imagination n’a retenu que le caractère de terrain vague, de zone à l’abandon.

Au fond de cette clairière, nous entrevoyons le gymnosophiste qui fera son apparition juste après ce récit.




Deux gouaches pour Les patriciennes,  30x36cm,  2003





Les patricienne sur les tombes 30x25cm Gravure





L'INVASION DES SOLITAIRES 



L'invasion des Solitaires,   2000,   130x162cm,   huile sur toile




Parmi les premiers moines en Égypte, les Solitaires faisaient le choix de vivre reculés dans les montagnes. Totalement à l’écart du monde, ils étaient réputés avoir une vie très austère. 

Dans son récit, Flaubert les montre se livrant à des scènes de pillage.

L’auteur commence son récit par la description d’une vue élevée sur la ville d’Alexandrie. La cité nous est décrite comme une riche et savante métropole. La vision éloignée permet une représentation détaillée de toute l’abondance acquise par cette société opulente et organisée.

Tout est fait pour que le chaos provoqué par la violence des Solitaires apparaisse dans toute sa barbarie à l’encontre d’un monde civilisé.

Ce passage du livre était pour moi  une occasion de retour à mes paysages urbains peints quelques années plus tôt. Avec quelques débordements cependant, les ambiances futuristes étant davantage la fruit de mon imagination que de ma mémoire.






L'apparition de Constantinoples,   2000,   17x21cm,   dessin







Le port d'Alexandrie, 2000                   Tête de Solitaire, 2000






L'invasion des Solitaires, 2000, 30x36cm, gravure sur cuivre





L'ombre du diable



L'ombre du diable,    2000,   150x200cm,  huile sur toile 



Le fragment du livre ayant servi pour la réalisation de cette peinture est l’apparition du diable accompagné des sept péchés capitaux. Le récit nous décrit l’événement comme s’il se produisait réellement, durant le sommeil de l’ermite, dans son environnement quotidien. 

Cette narration objective d’un fait surnaturel n’est pas courante dans la pièce où, le plus souvent, nous sommes témoin de l’hallucination d’Antoine dans un décor singulier.

Les lignes qui suivent ce premier tableau nous le démontrent, Antoine basculant tour à tour dans un délire nouveau (un pour chacun  des péchés capitaux).

Saint Antoine est représenté ici, endormi sous l’apparition du diable entouré des sept figurines. C’est le seul tableau où il apparaît dans son décor classique d’anachorète.





Antoine endormi,   2000,   17x21cm,   dessin




La médaille,   2000,   17x21cm,   dessin




Le couteau,   2000,   17x21cm,   dessin 






Antoine endormi dans la chaloupe,   2000,   14x18cm,   gravure




Dans la basilique



Dans la basilique (à Saint-Junien), 2003, 114x1050cm, huile sur toile




Le passage qui est à la source de ce polyptique est à mon sens le point central de La Tentation de Saint Antoine. Il commence par une description plutôt pacifiée des lieux où se rassemblent plusieurs communautés de croyants. La forme devient ensuite plus théâtrale faite de multiples prises de parole entre les représentants des différentes sectes. Il se conclue par un grand mouvement de foule où les paroles déjà échangées se transforment en actes décousus et souvent violents.

Pour bien apprécier ce passage du livre de Flaubert, il est nécessaire d’être conscient du fait que les premiers siècles du Christianisme étaient agités par de nombreuses querelles sur la bonne façon de comprendre la parole du Christ. Les nouveaux convertis étaient encouragés à adopter des croyances ou des manières de vivre qui n’étaient pas encore reliées à une religion unique et stable. 

Pour mettre en forme ces pages, j’ai surtout utilisé l’introduction du récit (représentation du décor, lumière, couleurs de la langue de Flaubert…) et sa fin (découpage des actes attachés aux différentes sectes, mouvements des personnages…). 

Pour l’esprit, je me suis longuement imprégné des dialogues composant la partie centrale du récit, récoltant ainsi des détails sur le décor et  diverses informations ou impressions à propos des acteurs qui les animent.

Dans mon premier projet, cette peinture devait être une toile de très grand format. 

Mais, je concevais mal de cette manière les moyens par lesquels je pourrais rendre compte de la diversité des cas exposés et même de l’enchainement de leurs apparitions. 

La forme du polyptique a permis la proposition d’une séquence pour chaque mouvement religieux mettant en scène la singularité de ses manies.

Neuf tableaux ont été conçus faits pour être exposés sur trois niveaux (3X3) ce qui explique qu’ils aient plusieurs points de vue plus ou moins plongeants.

Lors de la deuxième exposition de cet ensemble au musée de Clamart, j’ai accroché sept d’entre eux sur une seule ligne et je me suis aperçu que cette exposition était la plus efficace. 





Dans la basilique (détail), 114x146cm



Dans la basilique (détail), 114x146cm




Dans la basilique (détail), 114x146cm




Dans la basilique (détail), 114x146cm




Dans la basilique (détail), 114x146cm








Petites gravures pour  Dans la basilique, 11x14cm, 2002








Les Herniens, 2001, 30x36cm        Helkésaïtes, 2001, 30x36cm








La pierre Kaulakau, 2002, 14x18cm, gravure








Les Audiens tirent des flèches contre le diable, 50x65cm, Gouache 




Saturnin, Antoine..., 2001, 50x65cm, gouache sur papier




Sur le lit des Marcosiens, 2001, 50x65cm, gouache sur papier








Quatre dessins, 2001, 17x21cm, crayons de couleurs



Le gymnosophiste


Le gymnosophiste, 2003, 200x300cm, huile sur toile


Les Gymnosophistes sont des philosophes indiens de l’Égypte antique. Ils vivent totalement nus poussant l’ascétisme à l’extrême. 

Cette scène fait immédiatement suite au passage des « Patriciennes sur les tombes ». Alors que le tableau précédent se déroulait dans la nuit, le nouveau décor se tient au soleil, ce qui amplifie la rudesse de condition du Gymnosophiste. Un fort sentiment d’orgueil se dégage du personnage : son long monologue le confirme. 

Alors qu’un peu plus tard dans le livre, Simon le Giton, Apollonius de Tyane, Isis… raconteront dans les détails la variété de leurs aventures, le gymnosophiste s’en tient à une expérience intérieure riche et contrastant fortement avec une existence matérielle minimaliste.

Pour cette peinture, je m’en suis tenu à la description des quelques lignes du début du récit. Le monologue qui suit n’a pu qu’à titre d’impression m’inspirer pour la mise en forme du personnage.







Le gymnosophiste, 2005, 37x57cm, gravure










Saint-Antoine auprès du gymnosophiste, 2003, 30x36cm, gouache 


Sous l'arène



Sous l'arène, 2004, 150x200cm, huile sur toile




Sont racontées ici les dernières heures de quelques chrétiens martyres, tenus en attente dans une geôle, avant leur persécution. Parmi les personnages qui entourent Antoine, des hommes,  des femmes, un vieillard. La plupart sont terrifiés par la mort qui les attend.

La description fait état d’une cellule située sous une arène. Une petite fenêtre à barreaux laisse entrevoir en contreplongée les formes elliptiques de l’arène. En même temps, une simple ouverture sépare cette assemblée des fauves qui doivent la dévorer.

Saint Antoine, présent dans ce tableau, ressent pleinement les sentiments des futurs martyres. Il entend aussi le consolateur chargé de leur donner du courage.

Celui-ci a un discours sans faille, totalement soumis à sa cause et manquant quelque peu d’empathie. On peut supposer qu’il n’est pas directement concerné par la mort qu’attendent les futurs martyres. 

Ma peinture s’est principalement nourrie des contrastes proposés par le récit. En premier lieu, la lumière met en opposition les ténèbres misérables de cette cellule avec la vie extérieure, ensoleillée et luxueuse. Par ailleurs les intérêts divergents qui relient les personnages présents dans la loge participent aussi de cet antagonisme.

 Il est intéressant d’observer que futurs martyres et lions tiennent des rôles complémentaires dans le théâtre qui se prépare. Ils  sont logés au même niveau, juste au dessous de la scène.







Sous l'arène (les 2 gouaches), 2002 et 2003, 30x36cm





Simon le magicien
Apollonius de Tyane
Bouddha
Isis



Simon le magicien, 2004, 146x81cm, huile sur toile




Quatre tableaux ont été réalisés dans le format et la configuration correspondant à ces deux peintures. Ils correspondent à plusieurs passages bien particuliers dans la pièce. Lors de chacun d’eux, Saint Antoine est confronté à un personnage religieux important et celui-ci nous fait un récit légendaire de sa vie.

Pour chacune de ces rencontres, Gustave Flaubert commence par une description détaillée du personnage, de ce qui l’accompagne et de l’environnement qui l’entoure. C’est ensuite que nous apprenons, de la voix de l’acteur, toute l’histoire de sa vie, depuis sa naissance jusqu’à son martyre, le cas échéant.

Ces quatre passages ont été l’occasion pour moi d’emprunter à l’art ancien les formes qui étaient les siennes (une œuvre centrale avec des prédelles) pour relater dans une seule peinture un récit fait de plusieurs épisodes… ou plus simplement de me servir un peu des règles les plus connues de la bande dessinée.

Le tableau central me permet de représenter la personne rencontrée par Antoine. Les prédelles me donnent les moyens de mettre en images le contenu de son discours.







Simon le magicien, 2004, 32x18cm, gravure sur cuivre










Apollonius de Tyane, 146x81cm, 2005, huile sur toile




Apollonius de Tyane, 32x18cm, 2005, gravure sur cuivre








Bouddha, 2005, 146x81cm, huile sur toile




Bouddha, 2005, 32x18cm, gravure sur cuivre








Isis, 2005, 146x81cm, huile sur toile




Antoine et Hilarion I




Antoine et Hilarion I, 2007, 520x195cm, huile sur toile



Dans l’histoire chrétienne, Hilarion a été un disciple de Saint Antoine. À plusieurs reprises, il apparaît dans La Tentation de Flaubert, notamment lorsqu’ils se rendent ensemble dans la basilique.

 

À ce moment du livre, Antoine est encore étourdi de sa récente rencontre avec Apollonius de Tyane. Il est ravagé et fasciné par la vision de cet homme qui a côtoyé tant de  Dieux et de croyances.

C’est alors qu’apparaissent à ses pieds quantité de petites divinités de toutes les cultures, de toutes les époques, jusqu’aux sources de l’humanité. C’est le moment que choisit Hilarion pour revenir à ses côtés.

 

Le récit se déroule en trois temps :

-       le premier, décrit plus haut

-      puis, faisant suite à la décrépitude des petites divinités, les apparitions simultanées d’Oannès et    d’Ormuz (Dieux archaïques du Moyen Orient).

-       Enfin, apparaît la Grande Diane d’Éphèse (Déesse grecque et romaine).

 

En 2005, j’ai envisagé le projet d’une peinture mettant en scène Antoine et Hilarion entourés des petites figurines décrites par Flaubert. Pour le décor, je souhaitais avoir en fond un paysage vénitien sur le motif duquel j’avais déjà souvent travaillé. Cependant, toutes les gouaches ou dessins faits sur place ne me donnaient pas les informations suffisantes pour la réalisation d’une peinture de format monumental.

Le recours à la photo s’est alors imposé et de nouveaux moyens techniques (l’image numérique) m’ont permis une autre organisation dans mon travail.

Cette nouvelle approche a profondément changé l’aspect des peintures qui ont succédé à celle-ci. 

Les oeuvres suivantes (Antoine et Hilarion II et La Reine de Saba) ont été conçues selon les mêmes méthodes et sont ainsi devenues de plus en plus naturalistes.




Antoine et Hilarion I à la Halle aux grains à Saint Junien



Antoine et Hilarion II




Antoine et Hilarion II, 2008, 375x178cm, huile sur toile




Comme on peut s’en  douter Antoine et Hilarion II est la suite immédiate d’Antoine et Hilarion I. 

Dès qu’apparaissent les lignes qui suivent, Hilarion prend la forme d’un séducteur. Le lecteur comprend vite alors qu’une des principales faiblesses d’Antoine est sa soif de connaissances. On observe par la suite que la science et le Diable sont curieusement mêlés dans cette histoire.

 

Comme dans ma première représentation d’Antoine et Hilarion, cette peinture a été une belle occasion de prolonger mon observation des collines vénitiennes. 

Dans le premier triptyque, je disposais d’une vue plongeante sur la plaine avec, sur les deux côtés,  les représentations verticales des collines en amont.

Dans cette peinture, un vallon se devine derrière le pré servant de premier plan alors que le regard nous invite à voir dans un axe horizontal le sommet de la colline qui nous fait face.

Hilarion portant Antoine sur ses épaules s’élève doucement au dessus de cet horizon sans que nous ayons à lever les yeux, suffisamment distants pour que nous soyons libres d’embrasser la totalité du paysage.

Un troisième épisode est en projet mettant en scène Antoine et Hilarion dans les ténèbres et entourés d’étoiles. Ce tableau n’a toujours pas été fait.

Mais il paraît que la Tentation de Saint Antoine de Flaubert est une œuvre sans fin…

Dont acte !






Études pour Antoine et Hilarion II, 2007, 2x(97x130cm), huile sur toile








Étude gravée pour Antoine et Hilarion II, 25x30cm, eau forte









Antoine et Hilarion II, 2008, 29x63cm, eau forte





Antoine et Hilarion I et II à la Halle aux grains à Saint Junien





La reine de Saba





La reine de Saba, 2011, 220x300cm, huile sur toile




Le personnage de la Reine de Saba arrive tôt dans le récit de Flaubert. Il apparaît parmi les autres péchés les plus courants incarnés dans le début de la pièce (colère, désir,  gourmandise…).

C’est plus loin dans le récit que l’on perçoit les tentations qui auront le plus d’emprise sur l’anachorète, notamment son orgueil et sa soif de connaissances.

 

Si j’ai choisi tardivement de me lancer dans ce passage du livre, c’est qu’il se prêtait bien aux défis naturalistes déjà abordés dans les tableaux : Antoine et Hilarion I et II.

Ma volonté était de basculer dans un monde urbain et d’imaginer un environnement où la pauvreté et l’isolement se feraient au cœur de la ville.

 

Pour la préparation de la Reine de Saba, j’ai longtemps attendu de trouver une femme pouvant incarner la personne à la fois irradiante et un peu ridicule que décrivait l’auteur de la Tentation. C’est dans un magazine que j’ai trouvé la Reine de Saba qui me conviendrait  ainsi que ses accompagnatrices.

Le reste de la cour est inspiré de personnes photographiées dans la rue pour l’occasion.

 

Pour moi, la Reine de Saba était un personnage important se rendant dans le squat isolé d’un ermite. J’ai beaucoup sillonné plusieurs quartiers de Saint Denis pour capter les éléments d’un décor que j’ai ensuite assemblés pour composer ce paysage.







Deux eaux fortes préparatoires, 2010, 13x10cm






Première étude, 2009, 21x17cm, eau forte






La reine de Saba, 2011, 37x50cm, eau forte et burin







Peinture préparatoire pour La reine de Saba, 2010, 98x130cm





Biographie de l’artiste


 


« La beauté intraduisible du monde, mon amour des images m’ont donné, dès l’adolescence, la passion de la peinture et la vocation du métier de peintre.

 

Les défis qu’implique la peinture sont venus ensuite, avec la prise de conscience des enjeux de l’art contemporain et la surprise de découvrir ce que pouvait représenter cet exercice à plein temps. »

 

Fabrice Béghin passe son enfance dans le sud de la France. C’est là, dès l’adolescence, qu’il est conquis par l’univers de la peinture. Il la pratique seul avant d’entrer à l’école des beaux-arts de Perpignan. 

 

Il découvre les pratiques artistiques de son époque et oriente ses recherches vers le minimalisme dans un premier temps, puis vers l’expressionisme. Il est alors marqué par des artistes tels que Donald Judd, Jean-Luc Wilmouth, Joseph Albers, Willem de Kooning…

 

À la fin de sa formation, la découverte du travail de l’artiste Vincent Bioulès, puis un long séjour au Burundi vont remettre en question les certitudes de son apprentissage. 

 

L’observation de la lumière, le chant de la nature, lui remettent en mémoire les raisons profondes de sa vocation. D’autres défis s’imposent à l’artiste qui, reliés à ses premières recherches, lui permettent de construire une peinture figurative singulière.

En 1984, Fabrice Béghin s’installe à Paris. Ses préoccupations l’engagent dans les domaines suivants :

 

-       Portraits et premiers sujets religieux (1985-1993)

-       Paysages urbains (1993-1998)

-    Sujets littéraires (1998-1999, L’Iliade d’Homère), (2000-2010, 

     La Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert)

-       Nouveaux autoportraits et figures (2008-2018)

-       La mer (2016-2023)

 

Fabrice Béghin a fait de nombreux voyages en Europe et en Afrique. Il a parcouru la France à pied pour des voyages d’étude (Cherbourg-Montpellier, 1993 ; Transjurassienne, 1994)

 

L’artiste entretient un lien fort avec la littérature et le cinéma. Il lit à plusieurs reprises les œuvres intégrales d’Émile Zola, Marcel Proust, William Faulkner… 

 

Ses affinités artistiques vont vers la peinture française (Poussin, Chardin, Watteau, Cézanne…), sans oublier les grandes écoles espagnoles et italiennes (Vélasquez, Le Greco, Véronèse, Bellini…) et de grandes rencontres telles que le Retable d’Issenheim, à Colmar. 

 

Fabrice Béghin vit et travaille à Paris et au Guilvinec (Finistère).  Il enseigne la peinture et la gravure à l’Ecole d’Arts Plastiques de Saint-Denis (Seine Saint-Denis).



                                      


Démarche artistique



 

Une de mes principales obsessions artistiques touche à l’idée de la connaissance dans un sens large. J’aime à penser que la peinture est une philosophie… celle d’avant les mots.

 

L’organisation de mon travail découle directement de cette idée : capter de l’information et faire de la peinture avec ça.

 

Rien d’étonnant alors que la première moitié de mon temps artistique soit consacrée à noter ce qui est « au monde » et à le retranscrire sur du papier (notes écrites, dessins ou aquarelles sur le motif, estampes…).

 

De cette prise d’informations, qu’elles soient de nature esthétique, littéraire ou sociale, découle une deuxième activité : la fabrication du tableau qui est en quelque sorte la mise en ordre esthétique des captations qui précèdent.

 

Ainsi, la peinture, mais également la gravure, sont l’aboutissement de cette démarche. Elles se construisent parallèlement, rivales ou partenaires, et s’instruisent mutuellement de leurs découvertes. 

 

Les peintures sur toile ont des formats souvent imposants. Elles portent sur elles les marques d’une gestation lente. 

 

Les gravures d’atelier ont la même gravité que les peintures, le défi technique relevant, ou du format, ou de l’usage de la couleur (impliquant la démultiplication des matrices).

 

Dans cette organisation, la question du sujet est une variante importante, mais non essentielle. Des périodes de mon travail sont consacrées aux portraits et aux figures ; d’autres moments me mettent au contact des paysages urbains ; ou encore, le livre ouvert, j’explore des textes fondateurs (L’Iliade d’Homère, La Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert).





Principales expositions de groupe


1982   Germinations – Paris et Berlin

1986   Galerie Jean Peyrole – Paris 

1992   Maison des Sciences de l’Homme – Paris

2001   Autour de Vincent Bioulès – Lorient

2003   Fondation Florence – Paris

2004   Arsène Bonafous-Murat – Paris

2015   Salon Mac Paris – Paris



Principales expositions personnelles


1983   Centre culturel français – Bujumbura, Burundi

1986   Cité Internationale des Arts – Paris

1990   Galerie Jean Peyrole – Paris

1996   Centre d’art Confluence – Paris

1998   Studio Théâtre – Asnières

1999   Espace Tristan Bernard – Paris

2001   Galerie HD Nick – Aubais

2002   Espace Piment bleu – Asnières 

2003   Espace Piment bleu – Asnières

2006   Musée d’Art contemporain – Clamart

2009   Atelier du Peintre graveur – Paris

2012   Source-Ouest – Versailles

2016   Atelier du Peintre graveur – Paris

2018   Atelier du Peintre graveur – Paris

2021   Manifestampe – Paris

2023   Tentations, la Halle aux grains – Saint Junien



Acquisitions publiques



1996    Bretelle à Gennevilliers   - Huile sur toile - Fondation Colas

1996    Annonciation du Pont de Clichy   - Huile sur toile - FRAC d’Île de France

2005    Amonaria - Huile sur tonneau - Domaine viticole de Puech-Haut

 


Distinction

 

2004   Prix de peinture Dumas Millier - Académie des Beaux-Arts – Paris

 


Résidences

 

2005    Peindre des histoires - Ecole des Beaux-Arts de Nîmes 

2023    Résidence à bord du BRF (bateau de ravitaillement des forces) Jacques Chevallier – Aspirant POM